Intervention de la CFDT-Services au conseil national confédéral, octobre 2023

Par Véronique Revillod, secrétaire générale de la fédération

 

Que vaut la vie d’un homme ou d’une femme d’ailleurs ?

Nous sommes tous profondément meurtris et atteints par l’assassinat brutal de Dominique BERNARD survenu vendredi dernier sur son lieu de travail d’un geste terroriste prémédité. La fédération des Services aussi est endeuillée et en colère suite à l’accident du travail subit par un intérimaire de 25 ans venu apporter la force de son travail et victime d’un accident qui aurait pu et dû être évité. En effet, 2 jours avant, l’équipe CFDT de Décathlon avait exercé son devoir d’alerte pour danger grave et imminent. Mais la Direction n’a pas saisi l’urgence ni la gravité de la situation et a affiché un mépris, malheureusement trop récurent vis-à-vis des élus CFDT. Pas une minute de silence, pas une minute d’arrêt des ventes en magasin. Le business avant tout. Alors je vous pose la question, combien vaut la vie d’un homme sur son lieu de travail ?

Toutes nos pensées vont à leurs familles et leurs collègues en grande détresse.

Combien vaut la vie d’un civil abattu lâchement en Israël, la vie d’une victime de violence sexiste qu’on égraine comme un rosaire sans que beaucoup de cas n’en soit fait, la vie d’un patient qui passera plus de 24h attendant des soins dans un couloir des urgences ?

Nous ne pouvons rester dans l’indignation et lancer des alertes dans le vent dont personne ne fait cas et pour lesquelles tout le monde se renvoie la balle.

Aussi combien de foyers sont mis à mal par l’étranglement économique progressif lié au coût de la vie.  L’investissement de la fédération des Services en faveur du pouvoir d’achat est total, c’est une priorité absolue. Parce que nous sommes un secteur au service des autres, les salariés ne peuvent pas continuer dans le mode « survie ».

 

Alors nous avons le choix entre nous résigner, indiquer qu’il est casse-pied, lassant ou coûteux de nous mobiliser dans la rue où nous avons le choix de nous engager contre la pauvreté. Nous ne sommes pas élus uniquement pour lancer quelques indignations sur la toile ou au travers de communiqués de presse.

De trop nombreux rapports, coûteux bien souvent s’entassent dans nos ministères sur le pouvoir d’achat, l’attractivité des métiers, sur la pénurie de main d’œuvre, sur la fiscalité… Pour quels résultats ? Nous allons devoir mettre le pied dans la porte et rendre incontournable la présence des organisations syndicales et la prise en compte de nos revendications dans la discussion politique. Nous attendons beaucoup de la conférence sociale.

Peut-être qu’il nous faudra rappeler les alertes que nous avions émises et le coût de l’absence de réactivité pour la société.

 

Coté fédération des Services notre congrès s’est tenu au mois de juin 2023 au Havre, il fut l’occasion d’un changement de secrétaire général et nous profitons de cette tribune pour remercier encore une fois Olivier Guivarch pour avoir été notre capitaine pendant 7 années qui ont mobilisé tous ses talents de patience, de résilience et d’abnégation. Nous lui souhaitons un beau mandat à la confédération au service de tous. Et le remercions d’avoir choisi de transmettre la fédération à une femme pour la deuxième fois en trente ans, à la tête d’un secteur si féminisé.

Un nouvel équipage a pris la barre de la fédération avec enthousiasme et conscience de la responsabilité qui est la sienne. J’invite chacun d’entre vous a rencontrer les nouveaux secrétaires nationaux avec qui vous dessinerez de beaux projets de fédéralisme opérationnel.

L’actualité de notre fédération s’est incontestablement orientée autour des élections CSE qui rythment les journées de tous les militants. Au niveau fédéral, la préparation des élections des 800 collectifs génère adrénaline, et nous oblige à gérer de trop nombreux conflits interne liés aux places sur les listes. Une fois les résultats obtenus ce sont les mandatements en pagaille, accueil et formation des nouveaux arrivants dans l’urgence. Autant vous dire qu’avec nos 800 collectifs fédéraux et bien plus encore côté syndicats, auxquels s’ajoute bon nombre de nouvelles implantations, toute autre sollicitation est perçue comme hors-sol voire même anxiogène. Le poids du champ fédéral dans la mesure de la représentativité nous oblige à être concentrés sur les élections CSE puis TPE jusqu’en 2024.

De belles moissons sont d’ores et déjà connues :

Chez MONOPRIX avec 70% de votants, la CFDT augmente de 5 points, ce qui couronne de succès l’engagement de l’équipe. Sans doute également que la première visite de Marylise à l’orée de son mandat nous a porté bonheur.
Progression chez BRICO DEPOT ou nous engrangeons 65,74%.

Chez AMAZON : Grâce à une campagne engagée depuis plusieurs mois et de nombreuses actions de proximité sur les sept sites logistiques d’Amazon, la CFDT se maintient à la deuxième marche du podium (19,45%) juste derrière la CGT (20.66%). C’était très loin d’être gagné au regard du nombre d’organisations syndicales ayant présenté des candidats. 

Tour de force chez BELAMBRA où l’équipe CFDT pourtant mal menée progresse de 27 points.

Nombreux nouveaux sièges acquis chez CARREFOUR mais l’ensemble des scrutins n’est pas terminé.

On déplore le report des élections chez AUCHAN à début décembre en raison d’une défaillance de la société qui assurait le vote électronique. Nous aurons besoin du soutien de tous pour que ce contretemps nous mène au succès.

Après les renouvellement des CSE c’est la recomposition du paysage du commerce qui est au cœur de nos préoccupations : des PSE, redressements judiciaires et des fermetures dans l’habillement qui se poursuivent sans que cela ne soit plus facile pour autant car les salarié.es ont de plus en plus de mal à retrouver un emploi suivant les régions dans un secteur qui ferme magasins après magasins. Le moral est clairement en berne.

Dans la grande distribution c’est une recomposition majeure des acteurs historiques. Rachat de CORA et Match, par Carrefour qui poursuit sa dynamique massive de passage en location gérance. La fédération remercie Marylise pour son soutien sur cette question assez technique mais que nous devons tous garder à l’esprit. C’est aussi le rachat des Casinos par Intermarché.

Pour les néophytes un passage en location gérance ça n’a pas l’air méchant sur le papier quand on met les lunettes de l’emploi dans un premier temps. D’ailleurs nous voyons bien que dans la maison CFDT à part à la fédération et à la confédération cela génère peu d’émotion. Et pourtant : la plupart des syndicats services repose sur des forces militantes issues de la grande distribution. C’est un peu grâce au temps syndical des grands groupes de la distribution que nous pouvons faire tourner nos syndicats. Un passage en location gérance c’est faire perdre un a deux mois de salaires pour les salariés dans un premier temps. Oui vous avez bien entendu chez des salariés essentiels. C’est aussi l’assurance de voir des effectifs encore davantage comprimés et des conditions de travail davantage dégradées comme si nous avions besoin de cela. Mais c’est aussi un danger grave pour nos structures syndicales car les mandats tombent et si nous observons mécaniquement ce qu’il s’est passé sur les magasins déjà touchés c’est la perte sèche de forces militantes conséquentes : comme des secrétaires de syndicats, engagés dans l’interpro, au service de la fédération. Nous devons donc tous prendre conscience du danger qui nous menace. Alors la fédération redouble d’engagement pour sensibiliser les institutions, les lobbyings de la grande distribution sont bien plus puissants. L’actualité de la fédération c’est la préparation dès à présent les Jeux Olympiques 2024 : la pénurie d’agent de sécurité sera compensée sans complexe par l’armée nous dit Matignon. C’est tout de même un aveu d’échec. Tous les autres emplois de prestation de services peinent à recruter pour les Jeux. L’engouement n’y est pas du tout.

Comment agir alors, tous ensemble, fédérations et URI, pour faire avancer nos revendications et nous faire entendre ? La fédération des Services souhaite améliorer la connexion entre nos structures et ira à la rencontre d’une URI par mois en cette première année de mandat. Le rendez-vous des syndicats est un moment important au cœur de toutes ces actualités pour prendre soin de notre structure CFDT. Lors des débats de notre congrès, la fidélisation des adhérents a pris une place importante.

Nous devons soigner notre structure pour accueillir qualitativement nos nouveaux adhérents.

Nous terminerons cette intervention avec un hommage particulier pour les militants CFDT de Mayotte, rencontrés la semaine dernière, qui font preuve de beaucoup de courage dans un département français où la pénurie d’eau devient insupportable et où l’insécurité règne sans que grand cas ne soit fait de leur situation. Difficile de vivre dignement quand laver ses mains ou ses vêtements parfois professionnels demande une stratégie du quotidien. Un engagement qui force notre respect et peut avoir valeur d’exemple.

Une CFDT forte n’est pas une forteresse à admirer tous les matins mais la quête d’un collectif soudé et efficace qui ne perd pas de temps à se faire des bleus. Alors hissons la grand-voile !