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Défenseurs syndicaux en appel : De nouvelles règles de procédure civile à appliquer !

Publié le 28/02/2024

Un nouveau décret vient de paraître sur la procédure civile à hauteur d’appel. Celui-ci vise à simplifier la procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire mais pas que…

Les défenseurs syndicaux exerçant à hauteur d’appel vont devoir s’approprier- une fois encore - ces nouvelles dispositions (au même titre que les avocats) et ce, d’ici le 1er septembre 2024, date d’entrée en vigueur du décret. Vous trouverez ici les principales nouveautés issues de ce décret. Décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d’appel en matière civile.

Une énième réforme applicable dans quelques mois

Et encore une réforme de la procédure d’appel ! Il n’est nul besoin de rappeler que la procédure à hauteur d’appel est déjà très complexe. Depuis 2016 et la représentation obligatoire en cas d’appel prud’homal, les défenseurs doivent connaître et appliquer la procédure civile qui est sans cesse en évolution. D’autant plus que les sanctions en cas d’erreur peuvent s’avérer dramatiques pour le salarié. Par exemple, l’absence d’une mention dans la déclaration d’appel ou encore le non-respect des délais pour conclure peuvent conduire à la caducité ou encore à la nullité de la procédure. Sans parler de la Cour de cassation qui ne fait aucun cadeau au défenseur syndical qu’elle considère comme un « professionnel du droit » au même titre que l’avocat.

Heureusement, cette-fois-ci, les règles ne rentrent pas en vigueur immédiatement. Elles s’appliqueront aux instances d’appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter du 1er septembre 2024, soit 6 mois après la publication du décret. Ce qui va laisser un peu de temps aux défenseurs pour appréhender cette énième réforme.

Une procédure d’appel incontestablement plus lisible

La partie du Code de procédure civile (CPC) relative à la procédure ordinaire avec représentation obligatoire devant la cour d’appel (1) a été restructurée afin de la rendre plus lisible (2). Il en découle une nouvelle numérotation de certains articles ainsi qu’une suppression d’articles renvoyant jusqu’alors à la procédure de première instance (3). Seule la procédure d’appel sera désormais abordée dans cette partie du Code !

Ce décret permet aussi d’opérer un partage clair entre les dispositions qui relèvent de la procédure à bref délai (4) et celles qui relèvent de la procédure avec mise en état (5). Il définit également les pouvoirs du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président dans la procédure à bref délai et clarifie ceux du conseiller de la mise en état.

Une déclaration d’appel assouplie…

Le décret assouplit le formalisme de l’appel en permettant l’extension du périmètre de l’effet dévolutif dans les premières conclusions. Plus précisément, avec le nouvel article 901 7°, il sera désormais permis de compléter, retrancher ou rectifier les chefs du dispositif du jugement critiqués dans les premières conclusions (6) ! L’effet dévolutif n’est donc plus limité formellement à la déclaration d’appel, contrairement à ce qui était imposé depuis le décret du 6 mai 2017. Il n’est alors plus besoin de procéder à une déclaration d’appel rectificative en cas d’oubli ou d’erreur. Il ne faut toutefois pas que l’appelant en abuse en limitant les chefs de jugements dans la déclaration d’appel, au risque de porter atteinte à la défense des intérêts de l’intimé qui subit déjà l’appel.

Le décret supprime l’exception de l’indivisibilité (7) du litige à cette obligation d’énumérer les chefs du jugement, seule persiste l’exception de l’appel qui tend à l’annulation du jugement.

…mais une nouvelle obligation formelle inutile

Le décret impose à l’article 901 6° du CPC une nouvelle obligation formelle dans la rédaction de la déclaration d’appel exigeant désormais qu’elle contienne la mention « annulation du jugement » ou « infirmation du jugement » en sus des chefs du dispositif du jugement critiqués.

Cette nouvelle obligation est critiquable. En effet, elle est inutile dans la mesure où l’objet du litige est suffisamment défini par le visa des chefs du jugement mais également dans les conclusions par l’énoncé des prétentions figurant dans le dispositif.

L’article 954 du CPC impose désormais lui aussi que : « les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l’appelant indique s’il demande l’annulation ou l’infirmation du jugement et énonce, s’il conclut à l’infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l’ensemble des parties récapitule leurs prétentions ».

Attention ! Il ne faudra pas oublier d’indiquer dans les premières conclusions l’ensemble des chefs du dispositif du jugement critiqués dans la déclaration d’appel, à défaut et en application des articles 954 et 915-2 du Code de procédure civile, les griefs non mentionnés devraient être considérés comme retranchés.

Un allongement possible des délais pour conclure et signifier la déclaration d’appel

Les délais pour conclure dans la procédure d’appel à bref délai passent d’un mois à deux mois pour l’appelant et l’intimé (8)

En outre, le délai pour signifier la déclaration d’appel à l’intimé défaillant en procédure à bref délai passe de 10 jours à 20 jours à compter de la réception de l’avis de fixation. L’avis de fixation à bref délai sera impérativement joint à la signification (9).     

Le conseiller de la mise en état pourra lui aussi allonger ou réduire certains délais pour conclure soit d’office, soit à la demande d’une partie (10).

Les procédures de renvoi de cassation étant fixées selon la procédure à bref délai, le délai pour signifier la déclaration de saisine passe, lui aussi, de 10 à 20 jours à compter de l’avis de fixation (11).

Par ailleurs, le décret permet l’augmentation par le magistrat compétent de l’ensemble des délais pour conclure dans les procédures avec mise en état et à bref délai. Il pouvait jusqu’alors seulement les réduire.

Le greffe n’est plus tenu d’adresser la déclaration d’appel aux intimés dans les procédures à bref délai (12).

Une incitation à recourir à la procédure participative très critiquable  

Est créée une invitation systématique des parties à conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état en appel. Les délais pour conclure seront alors interrompus (13). L’objectif étant clairement de limiter le contentieux.

Pour encourager à accepter cette invitation, une fixation prioritaire de l’affaire sera obtenue y compris si cette procédure amiable n’aboutit pas (14). Pour rappel, la procédure participative est un dispositif qui ne peut être mis en œuvre que lorsque chacune des parties est assistée par un avocat. Ce qui est de nature à générer un coût supplémentaire pour les parties et à impacter le rôle du défenseur syndical.

Le décret définit également aux articles 906-2 et 911 du Code de procédure civile la notion de « force majeure ».

 

 

(1) Il s’agit de la procédure avec mise en état et de la procédure à bref délai.

(2) Sous-section 1 de la section I du chapitre Ier du sous-titre Ier du titre VI du livre II du CPC.

(3)  Par exemple : le renvoi aux article 54 et 57 du CPC sont supprimés dans la déclaration d’appel.

(4) Art. 906-1 à 906-5 du CPC.

(5) Art. 907 à 914-5 du CPC.

(6) Nouvel art. 915-2 du CPC

(7) Art.562 du CPC et art. 901 al7 du CPC.

(8) Art. 906-2 du CPC.

(9) Art. 906-1 du CPC.

(10) Art. 911 du CPC.

(11) Art. 1037-1 du CPC.

(12) Art. 902 du CPC.

(13) Art.915-3 du CPC.

(14) Art. 914-1 du CPC.