Salaires : la CFDT défend le rôle des conventions collectives de branche devant le Conseil d’Etat

Publié le 09/09/2021

Les ordonnances prises en 2017 ont modifié l’articulation entre accords de branche et d’entreprise en élargissant les possibilités par accord d’entreprise de déroger de manière moins favorable aux accords de branche. Mais, quatre ans après, un des points cruciaux fait toujours l’objet d’un débat juridique fondamental devant le Conseil d’Etat qui s’apprête enfin à rendre sa décision, suite à l’audience d’instruction qui se tient ce 9 septembre 2021.

Eclairage sur le contentieux, ses enjeux et l’action de la CFDT Services.

Le débat : la notion de salaire minima hiérarchique

Pour bien comprendre le débat, il convient de rappeler que le litige porte sur le nouvel ordonnancement des niveaux de négociations entre accords de branche et d’entreprise issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017 n°2017-1385 ratifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018.

Depuis ces modifications, les thèmes des accords collectifs ont été répartis en trois « blocs », le premier – fixé à l’article L.2253-1 - étant celui au sein duquel l’accord de branche prime obligatoirement sur les accords d’entreprise, en dehors des garanties au moins équivalentes. Cet article fixe la liste des thèmes relevant de ce régime, parmi lesquels se trouvent « les salaires minimas hiérarchiques ».

La CFDT – et les autres organisations syndicales - conteste l’interprétation du Ministère du travail devant le Conseil d’Etat sur ce que peut signifier cette notion de salaires minimas hiérarchiques.

Nous considérons que la branche peut définir ce que recouvre les salaires minima hiérarchiques puisqu’aucune définition ni aucun encadrement n’ont été fixé par les dispositions légales ou règlementaires. En effet, s’agissant, de thématiques pour lesquelles la branche a donc la primauté, pour la CFDT, il ne peut y avoir d’interprétation autre que celle venant à dire que les dispositions légales permettent à la branche non seulement de fixer librement le montant des salaires minimas hiérarchiques mais également de définir les éléments relevant de cette notion. Par exemple, il s’agit dans la branche du commerce alimentaire de dire que la prime annuelle et la pause payée de 5% s’imposent dans les entreprises sans qu’elles ne disposent de la possibilité de conclure un accord collectif au niveau de l’entreprise qui les supprimerait.     

Or, le Ministère du travail refuse de procéder à l’extension des accords salaires qui prévoient cela, à savoir que des compléments de salaire – des primes par exemple - sont inclus dans les salaires minimas hiérarchiques, considérant que cette notion ne pourrait recouvrir exclusivement que le salaire de base.

La CFDT en désaccord avec cette interprétation des dispositions légales a donc contesté les arrêtés d’extension pris par le Ministère du travail en ce sens devant le Conseil d’Etat. La CFDT Services a ainsi attaqué les arrêtés d’extension pris en ce sens, ce qui a été le cas dans trois branches – le commerce de détail alimentaire, les entreprises de services à la personne et l’import – export.

Une audience d’instruction se tient sur le sujet ce 9 septembre, avant une autre audience du 20 septembre et une décision du Conseil d’Etat est donc attendu début octobre.

Les enjeux : quel rôle pour la branche, quel encadrement des rémunérations

Au-delà du débat juridique relatif à la notion de salaire minima hiérarchique, c’est bien plus largement le rôle de la branche en tant que tel qui est en jeu dans ce contentieux. 

La position de Ministère revient à menacer le rôle de régulation de la concurrence attribué pourtant par le législateur lui-même à la branche. En effet, imposer à tout un secteur un salaire et des compléments de salaires minima protège ce dernier d’une course désastreuse vers le bas des rémunérations et pose les bases d’un système concurrentiel vertueux, ne reposant pas sur la pressurisation et la précarisation des salaires mais bien sur la qualité des produits, des services, de l’activité, etc. Ce risque se trouve en outre renforcé dans les secteurs où la main d’œuvre représente la part principale des coûts des entreprises – nettoyage, sécurité, service à la personne par exemple – et où la pression sur les salaires est à son comble avec des rémunérations déjà bien trop précarisantes pour les salariés.

En outre, c’est une remise en cause de la diversité des modes de rémunération, souvent constitutif de l’identité, du modèle social d’un secteur, qui est aussi dans la balance, et de surcroit la remise en cause potentielle d’acquis sociaux fondamentaux et de longue date.

Enfin, c’est bien un renforcement des inégalités entre salariés des grandes et petites entreprises qui se joue aussi, puisque le risque d’une diminution de la rémunération sera renforcé dans les petites entreprises où l’implantation syndicale est plus faible et où il sera donc plus difficile de mettre en place systématiquement un rapport de force à même de résister aux pressions éventuelles. A cela s’ajoute le fait que les différences entre petites et grandes entreprises vont accroitre les volontés d’externalisation vers le modèle de la franchise, de la location gérance qui s’accompagne déjà d’une perte d’acquis et d’avantages sociaux pour les salariés.

La CFDT Services souligne qu’elle ne comprend pas la position du gouvernement qui dit vouloir des signaux concrets de reconnaissance et de revalorisation pour les travailleurs de ladite 2ème ligne pendant la crise sanitaire mais qui persiste tout de même dans une position qui va pourtant directement et clairement à l’encontre de cela.