Lutte contre la pénurie de main-d'oeuvre dans l'hôtellerie, la restauration et le tourisme : les propositions de la fédération européenne des syndicats EFFAT

Publié le 30/05/2022

La  Fédération européenne des syndicats de l'alimentation, de l'agriculture et du tourisme (EFFAT) formule 18 grandes mesures pour rendre les emplois plus attractifs dans le secteur de l'hôtellerie-tourisme-restauration. La fédération des Services a participé à l'élaboration de ces propositions et les a relayées auprès des acteurs économiques et politiques du secteur.  

EFFAT et ses syndicats affiliés demandent les mesures suivantes pour rendre les emplois dans l'hôtellerie-restauration-tourisme plus attractifs et pour surmonter les pénuries de main-d'oeuvre dans le secteur :


1. Donner priorité aux travailleuses-eurs et aux emplois de qualité
Les travailleuses-eurs doivent être placé-e-s au centre de toutes les mesures. Dans un secteur de services orienté client comme l'hôtellerie-restauration, les travailleuses-eurs sont en première ligne, elles-ils sont l'atout le plus important et décisif pour le succès et la viabilité de toute entreprise. Les
travailleuses-eurs doivent être valorisé-e-s et respecté-e-s et disposer des moyens et conditions adéquats pour fournir des services de qualité.


2. Améliorer les conditions de travail et la rémunération
Afin de recruter et de retenir les travailleuses-eurs, la création d'emplois permanents à temps plein doit être prioritaire, et tous les emplois doivent fournir des conditions de travail décentes, avec des salaires dont les gens peuvent vivre, une protection sociale adéquate, une formation professionnelle appropriés offrant un développement personnel et des parcours professionnels, et le respect des droits des travailleuses-eurs.

3. Renforcer la négociation collective
Les syndicats et les associations d'employeurs, connaissant la situation d'un secteur et engagés dans des négociations justes et complètes, sont les mieux placés pour trouver des solutions sur mesure aux défis actuels et futurs. La négociation collective sectorielle doit être renforcée, notamment en consolidant les capacités des partenaires sociaux dans les pays où la négociation collective est moins développée ou affaiblie. L'application des conventions collectives doit être fait une condition préalable aux subventions, aux aides d'État et à la participation aux marchés publics.

4. Donnez la parole aux travailleuses-eurs
Pour assurer le succès des mesures proposées, il est de la plus haute importance de donner une voix aux travailleuses-eurs et à leurs représentant-e-s. La représentation sur le lieu de travail par le biais de représentant-e-s des travailleuses-eurs élu-e-s ou désigné-e-s et de comités d'entreprise est essentielle. Les droits des travailleuses-eurs à l'information, à la consultation et à la participation doivent être garantis à tous les niveaux, au niveau de l'entreprise, local, national et européen, par ex. dans les Comités d'entreprise européens.

5. Permettre aux travailleuses-eurs d'avoir un équilibre travail-vie personnelle
Les métiers de l'hôtellerie-restauration-tourisme sont souvent exercés à des moments où d'autres ont du temps libre ou sont en vacances. Les heures de travail « asociales », telles que les soirées, les nuits, les week-ends, doivent être réduites au minimum et réparties équitablement entre l'ensemble du personnel, en respectant autant que possible les disponibilités et les préférences des travailleuseseurs.

6. Garantir un temps de travail régulier et prévisible
Des plans de travail fiables doivent être établis et communiqués le plus tôt possible, dans le respect de la législation et de la limitation du temps de travail en vigueur. Les changements à court préavis devraient donner droit à des indemnités supplémentaires. Les heures travaillées doivent être enregistrées de manière complète. Toute heure supplémentaire ou travail supplémentaire doit être limité, pour protéger la santé et la sécurité des travailleuses-eurs, et être compensé par du temps libre
dès que possible.

7. Repenser l'externalisation / la sous-traitance / la franchise
Les entreprises devraient reconsidérer les tâches essentielles de l'hôtellerie-restauration et en conserver autant en interne, car leur propre personnel est plus familier et fidèle à l'entreprise et fournit des services de meilleure qualité. Les modèles commerciaux actuels dans l'hôtellerie-restaurationtourisme, tels que l'externalisation, la sous-traitance ou la franchise, devraient être strictement réglementés pour éviter qu'ils ne conduisent pas à des conditions de travail plus précaires et ne portent atteinte aux droits des travailleuses-eurs.

8. Maintenir le nettoyage quotidien des chambres dans les hôtels
Dans l’entretien ménager hôtelier, le nettoyage quotidien des chambres doit rester la règle, pour garantir les normes d'hygiène et de sécurité, et pour stabiliser les emplois d’entretien ménager hôtelier. Les hôtels doivent s'abstenir de donner aux clients un « choix vert » de renoncer au nettoyage quotidien des chambres, sous prétexte de protéger l'environnement en économisant de l'eau et des détergents, qui sont en fait destinés à réduire les coûts. Des directives devraient être élaborées pour que les affiliés et autres organisations n'utilisent pour les événements et les voyages que les hôtels qui respectent ces principes.

9. Améliorer la formation professionnelle
Une formation professionnelle de qualité et un perfectionnement continu des compétences sont essentiels pour une main-d'oeuvre qualifiée et des services de haute qualité dans l'hôtellerierestauration- tourisme. Des stratégies ambitieuses de qualification et de formation devraient être
développées, en étroite collaboration entre les entreprises/employeurs, les syndicats, les partenaires sociaux, les gouvernements et les établissements d'enseignement, en anticipant les besoins futurs en compétences. La qualification et la formation doivent être rendues accessibles à tou-te-s les travailleuses-eurs de l'hôtellerie-restauration-tourisme, y compris celles et ceux qui occupent des emplois atypiques. Les mesures de qualification et de formation au niveau de l'entreprise doivent être planifiées, mises en oeuvre et évaluées en étroite coopération entre les directions, les représentant-es des travailleuses-eurs et les syndicats, et il convient de veiller à ce que les qualifications et compétences acquises soient transférables entre les entreprises.

10. Promouvoir les apprentissages
Dans de nombreux pays, les systèmes de formation professionnelle en alternance, combinant enseignement scolaire et formation en entreprise, ont été couronnés de succès, donnant aux jeunes des qualifications professionnelles approfondies et leur offrant une excellente entrée sur le marché du
travail. L'apprentissage ou des systèmes similaires de formation professionnelle initiale devraient être mis en place dans les pays où ils n'existent pas encore. Le plein respect de la « Recommandation du Conseil relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité » doit être garanti.

11. Veiller à ce que le secteur de l’hôtellerie-restauration soit un lieu de travail sûr
Les facteurs de risque physiques et psychosociaux spécifiques au travail dans le secteur de l’hôtellerierestauration, par ex. mouvements répétitifs, porter et soulever des poids lourds, coupures et brûlures, trébuchements, glissades et chutes, environnements de travail chauds et froids, substances dangereuses (par exemple, produits de nettoyage), niveaux de bruit élevés, stress, heures de travail longues et non standard, temps de travail imprévisible, etc., doivent faire l'objet de protocoles clairs en matière de santé et de sécurité, d'une évaluation des risques et d'une formation, en étroite
coopération avec les représentant-e-s des travailleuses-eurs et les syndicats. Cela devrait inclure par ex. la mise à disposition de lits à hauteur réglable pour faciliter le travail des femmes d’étages, une étude sur la charge de travail, ainsi que le transport sûr entre le lieu de travail et le domicile, pour les travailleuses-eurs qui doivent travailler tôt ou tard.

12. Garantir des lieux de travail exempts de harcèlement sexuel et de violence
Pour protéger les travailleuses-eurs de l'hôtellerie-restauration contre l'exposition au harcèlement sexuel et à la violence sexiste, par ex. par des supérieurs, des collègues ou des clients, les entreprises doivent élaborer des politiques claires de tolérance zéro, y compris des procédures de sensibilisation, d'évaluation des risques, de formation, de signalement et de solution, impliquant les représentant-es des travailleuses-eurs et les syndicats.

13. Garantir l'égalité des sexes et la diversité
La main-d'oeuvre de l'hôtellerie-restauration-tourisme est composée de personnes d'origines ethniques et culturelles très diverses, avec une part particulièrement élevée de jeunes et de femmes dans la plupart des pays. Les femmes sont souvent concentrées dans les emplois les moins bien
rémunérés et les moins valorisés. Il faut veiller à ce que personne ne soit victime de discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, l'origine nationale, l'âge, l'orientation sexuelle, le handicap, les convictions religieuses, les convictions politiques, le statut professionnel, etc. L'égalité des sexes doit être promue et l'égalité des chances en ce qui concerne l'emploi, les salaires, la qualification et la formation, les perspectives de carrière, les postes de direction doit être garantie.

14. Protéger et organiser les travailleuses-eurs saisonnières-niers et migrant-e-s
Le secteur de l'hôtellerie-restauration-tourisme offre de nombreuses opportunités d'emploi pour les travailleuses-eurs saisonnières-niers et migrant-e-s. Les travailleuses-eurs saisonnières-niers doivent obtenir des emplois avec un salaire et une couverture de sécurité sociale adéquats, un logement décent et abordable, le droit d'être réembauché-e au cours des années successives, et l'accès aux services de conseil syndical. La possibilité de créer un fonds européen d'action sociale pour les travailleuses-eurs saisonnières-niers, avec une antenne dans chaque État membre et une gestion conjointe par les syndicats et les organisations patronales devrait être explorée. Afin de faciliter l'intégration des migrants sur le marché du travail, des programmes spécifiques tels que le programme suédois « Fast Track », une coopération entre les services publics de l'emploi, les employeurs et les syndicats, qui fournissent de la formation aux emplois dans l'hôtellerie-restauration aux nouveaux arrivants, en s'appuyant sur la formation et l'expérience de chacun-e, devraient être promus.

15. Assurer des transitions numériques et vertes équitables
La crise climatique et l'augmentation de l'automatisation et de la numérisation continueront de transformer fondamentalement le secteur de l'hôtellerie-restauration-tourisme. Pour anticiper les changements et faciliter les adaptations, les représentant-e-s des travailleuses-eurs et les syndicats doivent être impliqué-e-s dans la planification, la mise en oeuvre et l'évaluation de toutes les mesures de transition, afin de garantir que personne ne soit laissé pour compte.

16. Promouvoir la labellisation sociale
Pour permettre aux clients de choisir des établissements l'hôtellerie-restauration en évaluant des critères sociaux, en particulier des conditions de travail décentes et le respect des droits des travailleuses-eurs, des campagnes de labellisation sociale telles que Fair Hotels and Restaurants devraient être davantage développées et promues. De plus, des efforts devraient être faits pour que toutes les initiatives de classification et de labellisation (par exemple, étoiles, écolabels) prennent en compte la qualité de l'emploi.

17. Favoriser le tourisme tout au long de l'année
Le tourisme devrait être développé comme une activité économique à longueur d'année. Un tourisme étendu et fonctionnant bien, développé en c opération avec les communautés locales, réduirait les impacts négatifs de la saisonnalité, faciliterait un meilleur emploi, contribuerait à réduire la précarité de la main-d'oeuvre et permettrait le recrutement de travailleuses-eurs locales-aux et extérieurs à une
région/zone, ainsi que leur rétention.

18. Reconstruire le tourisme avec une vision plus durable et socialement responsable
Pendant trop longtemps, les voyages et le tourisme ont poursuivi une croissance permanente, des intérêts financiers à court terme et une maximisation des profits, conduisant à des modèles à bas coûts, à peu d'investissements dans la main-d'oeuvre et à une précarisation croissante de l'emploi. Le tourisme futur doit être construit sur de nouveaux paradigmes, en luttant pour la durabilité économique, environnementale et sociale. Le tourisme devrait poursuivre par ex. plus de tourisme de proximité, réduction de la saisonnalité, qualité des services, stabilité de l'emploi, investissements dans
le capital humain, qualification et formation, réinvestissement des bénéfices pour assurer une croissance durable, innovation autour des transitions numériques et vertes équitables, et un meilleur partage des bénéfices entre les entreprises touristiques, les destinations, les collectivités locales, les
touristes et les travailleuses-eurs.