Entreprises de services à la personne : accord sur le travail de nuit et la présence nocturne en vigueur depuis le 1er août

Publié le 01/08/2022

Un accord sur le travail de nuit et la présence nocturne est en vigueur depuis le 1er août dans la branche des entreprises de services à la personne. Retour sur les négociations et  sur ce qu’en pense la CFDT.

Suite à la décision du Conseil d’Etat,  en mai 2017, d’annuler l’extension de 4 points précis de la CCN dont le travail de nuit, y compris la présence nocturne, qui rendait le recours au travail de nuit impossible, le patronat a relancé les négociations. 

 

Deux objectifs pour la CFDT lors des négociations

La CFDT a participé activement aux négociations et a été force de proposition avec deux objectifs en tête :

  • Le premier était de tenter de faire abandonner la présence nocturne définitivement mais les patrons tenant à garder une certaine compétitivité ont proposé un régime d’équivalence contre lequel les autres représentants de salariés ne se sont pas insurgés. du coup nous avons tenté de pousser le procédé à son maximum dans l’objectif que les salariés puissent vivre de ces heures de nuit sans être obligés de cumuler avec un emploi de jour.
  • Le deuxième : éviter les dérives en limitant les prestations de nuit à celles qui nécessitent de la continuité de service et surtout en limitant les risques de faire basculer dans ce régime toutes les prestations de nuit, un coût moins élevé donc un prix plus compétitif ayant ses effets pervers.

Malheureusement, la CFTC et FO ont signé avant que nous ayons pu aller au bout de cette négociation.

 

Ce que prévoit l'accord 

  • Rémunérations :
    • Pour les salariés reconnus comme tes travailleurs de nuit (qui travaillent au moins deux fois par semaine au moins 3h dans la plage horaire de nuit ou effectuant au moins 270h dans cette plage au cours de douze mois consécutifs) : majoration de 5% de leur taux horaire et un repos compensateur de 5 % (par exemple, pour une nuit de 10h pour un taux horaire au SMIC (11,07€/h), cela revient à une majoration de 0,55€/h soit 5,5€ en plus et il faudra travailler 80h de nuit pour avoir droit à 4h de repos compensateur qui est le nombre d’heures minimum par prise pour un temps partiel et 140h de nuit pour un temps plein)
    • Pour les travailleurs effectuant des heures de nuit mais qui n’en font pas assez pour être considérés comme des travailleurs de nuit, ils bénéficient seulement de la majoration du taux horaire au même pourcentage, 5%.
  • Durée de travail : 12h maximum par nuit et au-delà de 8h, un temps équivalent en repos doit être donné (par exemple : 11h de travail de nuit = 3h de repos en plus des 5% de repos compensateur) ;
  • Préalablement à tout travail de nuit, l’employeur doit vérifier au domicile du client la salubrité et la sécurité pour le salarié ;
  • Le travailleur de nuit doit pouvoir joindre à tout moment un référent
  • Les plannings d’interventions doivent être organisés de façon à permettre aux salariés d’utiliser les transports en commun. À titre exceptionnel, un salarié qui ne disposerait plus de moyens de transport pour rentrer chez lui peut, avec autorisation de l’employeur (aïe, donc il peut refuser…), lui faire prendre en charge le coût d’un taxi
  • Un régime d’équivalence en cas de présence de nuit lorsque le salarié doit dormir au domicile du bénéficiaire (dans une pièce séparée et correctement aménagée) et qu’il y a un réel partage entre des temps d’inaction (sans intervention) et des temps d’action (avec intervention).

La possibilité de mettre en place de la présence de nuit (avec le système d’équivalence) et le pourcentage de temps d’inaction (50% ou 34%) doivent être évalués d’après une grille mesurant, à l’aide de points, les activités que le bénéficiaire arrive à faire seul (pour en déduire les temps d’action et d’inaction). Il existe deux grilles dévaluation différentes suivant si le bénéficiaire est une personne âgée ou s’il s’agit d’un (ou des) enfant. Le nombre de points peut indiquer qu’il n’y aura pas assez ou pas du tout de temps d’inaction et donc que le régime d’équivalence n’est pas possible (par exemples un bénéficiaire âgé ayant à la fois des difficultés pour se lever seul, une maladie entraînant des troubles du sommeil et nécessitant la prise des médicaments pendant la nuit ou une intervention auprès d’un enfant de 2 ans ayant une maladie chronique entraînant des troubles du sommeil ou bien encore une intervention auprès d’un enfant de moins de 6 mois)

A noter qu’une nuit en présence de nuit doit être au moins de 10h en continu, pas plus de 5 nuits sur 7 jours. 

Pour le décompte, par exemple, pour une présence de nuit de 10h, si le régime d’équivalence est de 50% de temps d’inaction : 5h seront payées (majorées de 5% + 5% de repos compensateur), si le pourcentage de temps d’inaction n’est que de 34%, 6,6h seront payées (soit 66% du temps de présence de nuit et majorées de 5% + 5% de repos compensateur).

Le salarié qui effectue de la présence de nuit avec régime d’équivalence doit bénéficier d’un suivi renforcé et hebdomadaire de son temps de travail permettant, après l’intervention, de s’assurer qu’il n’y a pas eu d’écart entre la prévision de départ et le décompte des temps d’action et d’inaction réellement effectué. Mais comme il s’agit de déclaratif par le salarié et de fait, a postériori, le risque de non prise en compte par l’employeur est toujours le même, d’autant plus que les clients partent sur un coût de départ que l’entreprise ne souhaitera pas forcément réviser à la hausse en cours de route, au risque de perdre le client.

L’employeur doit vérifier l’évolution des interventions de présence de nuit en prenant contact au moins une fois par mois avec le ou les salariés concernés et visiter le client au moins une fois par trimestre.

Des dispositions trop faibles selon  la CFDT

La CFDT regrette que le régime d’équivalence pour la présence de nuit n’ait pas instauré des nuits de 12h comme elle l’avait demandé car les 10h minimum en présence de nuit représentent sur une semaine un maximum de 5 nuits payées 5h soit 25h/semaine pour 50h de présence au domicile, ce sera difficile pour les salariés de tendre vers un temps plein car les temps de repos obligatoires (11h) ne permettront pas de faire beaucoup d’heures la journée (seulement 3h de jour seront possibles et à la suite de la nuit ou juste avant la nuit suivante, ce qui limite l’organisation du travail). Des nuits de 12h auraient permis de gagner au moins 1h payées par nuit soit 5h par semaine.

La majoration de 5% pour le taux horaire et un repos compensateur de 5% ne sont également pas suffisants et le cumul de la majoration de nuit ne se fait qu’avec celle des jours fériés et pas celle des dimanches.

C’est donc un accord de nuit signé uniquement par deux organisations syndicales de salariés qui est entré en vigueur au 1er août 2022, précipitation qui a fait  capoter les négociations sur les minima de salaires de fin d’année 2022, faute de rapport de force côté représentants des salariés.

Depuis les ordonnances « Macron », les entreprises peuvent déroger par accord d’entreprise pour faire moins bien que les dispositions de la branche notamment celles concernant le travail de nuit sauf pour le nombre d’heures pour être qualifié de travailleur de nuit et pour le régime d’équivalence. En dehors de ces 2 points, un accord d’entreprise peut prévoir aucune majoration de salaire par exemple mais le code du travail impose un remps compensateur (qui peut être de 0,1%...).