Travailleurs invisibles, nos essentiels à valoriser

Publié le 13/05/2020

La Fédération des Services a décidé en 2018 de donner un coup de projecteur aux invisibles de la sous-traitance avec une exposition itinérante. La crise sanitaire a permis une prise de conscience sur tous ces professionnels du champ des Services qui ont continué à travailler pendant le confinement. La reprise d'activité est le bon moment pour revenir sur les portraits de ces travailleurs, présentée par l'exposition "Travailleurs invisibles".

A l'origine de cette exposition inaugurée début 2019, la volonté d'oeuvrer pour une sous-traitance responsable. Plusieurs fédérations CFDT -  FGMM, FGA, FNCB, FCE, FGTE Services et la CFDT Cadres - s'étaient réunies pour définir un projet commun et lancer à travers les portraits de professionnels des appels à la vigilance liés à l’exercice de la sous-traitance. L'attribution des marchés au moins disant entraînent des salaires à minima et des conditions de travail dégradées. Les entreprises doivent placer leur niveau d'exigence sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises sous-traitante. C'est le cheval de bataille de la CFDT.  

Les modèles qui représentent fièrement les métiers « invisibles », que nous rencontrons tous les jours, sont des militants qui, au quotidien, défendent les valeurs de la CFDT tout en exerçant avec passion leur métier.

Par cette mise en scène photographique, la Fédération a voulu  les placer en pleine lumière, sous le regard de Laurence Papoutchian, photographe professionnelle.

Gardien.ne concierge, employé.e polyvalent.e de restauration, employé.e du commerce affecté.e aux stocks, intervenant.e en Services à la Personne, intérimaire, agent d’entretien, agent de sécurité incendie, juriste, autant de professions d’acteurs et actrices de notre communauté de travail .

C'est un  devoir de les connaître, une nécessité d’assurer leur dignité, une revendication de les faire reconnaître dans l’intérêt collectif.

Pour la CFDT, il n’y a pas de petits métiers, il ne doit pas exister de petits droits. 

 

Extrait de l'exposition "Travailleurs invisibles"

 

Florence, commerce de l'habillement

 

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Représentants du personnel : Veiller à la prise en compte d’une sous-traitance responsable dans les contrats

À défaut de négociation d’accord de sous-traitance responsable, les représentants du personnel peuvent favoriser et proposer l’intégration de clauses sociales et environnementales dans les contrats commerciaux. Le donneur d’ordre peut ainsi s’engager à accompagner les entreprises sous-traitantes par rapport aux exigences posées.

Ces dispositions pratiques existent dans tous les accords sur le travail dominical signés par la Fédération des Services CFDT.

Depuis les ordonnances Macron les données relatives à la sous-traitance ne sont plus présente obligatoirement dans la Base de Donnée Economique et Sociale mais son contenu étant désormais négociable il est nécessaire d’exiger leur publication dans cette base et de faire ce celle-ci un argument de Responsabilité Sociétale de l’entreprise.

La question des achats est stratégique pour toute organisation privée ou publique. Compte tenu du poids des achats dans le PIB, intégrer la RSE dans le processus d’achat permet de développer une économie plus durable. Une norme internationale en matière d’achats responsables (ISO 20400) a été adoptée en février 2017. Les organisations syndicales ont un rôle à jouer, notamment pour ce qui est des critères et du suivi des achats responsables.

Un engagement des donneurs d’ordre dans des contrats de long terme est un élément clé. En effet, la relation « donneur d’ordre/sous-traitant » devrait être basée sur un partenariat pluriannuel (par exemple de 3 ans), prenant en compte les complémentarités et les opportunités stratégiques en termes de compétences autant que de marché. Ainsi, le sous-traitant serait associé à certaines phases de la conception des produits. Il s’opèrerait ainsi un processus d’apprentissage entre les entreprises partenaires. Cette collaboration durable ne pourrait s’effectuer qu’avec un nombre plus réduit de sous-traitants.

Il pourrait être envisagé de prendre en compte l’insertion de telles clauses dans l’attribution de marchés publics.

 

Brice, intérimaire cariste

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Sécurisation des Parcours Intérimaires

Il y a quelques années les intérimaires tentaient de cacher le statut de leur contrat : symbole de précarité et d’échec social.  Facilitateur d’accès à l’emploi, le travail temporaire met pourtant des milliers de jeunes et de moins jeunes sur le marché du travail, il permet d’étoffer son expérience et d’élargir son carnet d’adresse en découvrant des entreprises de proximité. Main d’œuvre qualifiée répondant aussi à la flexibilité dont les entreprises ont besoin, ces missions ne doivent en rien remplacer des embauches possibles.

C’est pour cela que la CFDT s’est engagée dans la mise en place du CDI Intérimaire afin que les parcours de ces talents utiles soient fidélisés, mieux accompagnés, formés sur des compétences qui servent leur employabilité et mieux logés. La mise en place de la sécurisation des parcours professionnelle permet à nombre d’entre eux de bénéficier de formations certifiantes ou qualifiantes grâce à leurs droits cumulés à chaque mission. Sur ce portrait, c’est avec fierté que Brice nous présente sa Certification de Qualification Professionnelle fruit de son parcours reconnu.

La reconnaissance des compétences, l’acquisition de nouvelles par l’accès facilité à la formation déconstruise la fatalité du statut de l’intérimaire «  jetable » réduit à satisfaire l’agilité des entreprises. Avec près de 17 millions de missions proposées en 2016 il est essentiel que notre action syndicale veille préserver et augmenter les compétences de chaque intérimaires car si les évolutions technologiques amorcent une disparition de certaines tâches répétitives (notamment dans  la logistique) vont nécessiter des compétences nouvelles et des exigences accrues.

En allongeant la durée de chaque mission, en veillant à la sécurité, à la qualité de leur accueil la précarité des intérimaires recule et les droits progressent. C’est une demande que les représentants du personnel des entreprises donneuses d’ordres doivent avoir à l’esprit. Veiller à choisir des fournisseurs et sous-traitants responsables qui investissent dans la qualité de la formation de leurs intervenants est essentiel pour la qualité de service et pour l’avenir des salariés.

Francis, agent de propreté 

006 vignette Francis

Santé / Conditions de Travail

« Je commence tôt le matin pour nettoyer les bureaux avant l’arrivée de tout le monde. J’ai ensuite une longue pause avant de reprendre. C’est un travail physique, avec beaucoup de gestes répétitifs. Mais le plus pénible est lorsque je dois me servir de machines. Celles pour nettoyer les sols par exemple. Je dois les tirer et elles sont lourdes et difficiles à diriger. Je nettoie aussi les extérieurs, et ça même quand il pleut ou qu’il neige ! Ce que j’apprécie le plus, c’est le contact avec les gens que je vois arriver le matin. Je m’occupe des mêmes locaux depuis plus de dix ans et je les connais bien ! Par contre, les horaires de nettoyage ne me permettent pas d’avoir un temps plein alors j’ai un deuxième employeur pour compenser le manque. Il ne faut pas oublier le stress des pertes de marchés. Il y a quelques temps, l’une de mes entreprises en a perdu un et j’ai failli être muté très loin de chez moi. J’ai heureusement été soutenu par la CFDT et c’est ce qui m’a sauvé ! »

Sensibiliser nos entreprises donneuses d’ordre aux conditions de travail des sous-traitants intervenant dans l’entreprise car les conditions de travail des salariés de la propreté sont fixées dans le cahier des charges. Sélectionner un prestataire sur la seule base du prix ou des couts conduit inévitablement à des conditions de travail délétères pour la santé de ses salariés : intensification du travail, exposition des maladies professionnelles TMS et des incapacités de travail. Responsabilisé les entreprises lors des passations de marché : choisir le mieux disant. Proposer que les services d’entretiens puissent commencer leurs prestations plus tôt, aménager des espaces décents pour qu’ils puissent se changer et stocker le matériel,… Peut-être les premiers pas vers une meilleure prise en compte de l’équilibre vie personnelle / Vie professionnelle.

 

Marianne, commerce

009 vignette Marianne

Le badge sans nom

Etre appelé par son nom ou son prénom semble être le degré zéro de la reconnaissance en entreprise. Aussi il faut bien se l’avouer sur les plannings d’affectation, sur les badges, il n’est pas rare de voir écrit à la place du nom : Intérimaire 1, Intérimaire 2, Stagiaire, Apprenti, prestataire de service, personnel d’entretien, agent de sécurité… Comme si le fait de ne pas avoir le même employeur effaçait toute humanité.

Cette différence de traitement percute l’insertion des sous-traitants et prestataires de service dans leur communauté de travail. Ce petit rien d’humanité reste un grand pas pour l’amélioration des rapports humains dans l’entreprise. Les badges, la plupart du temps nominatifs, qui permettent les accès, la restauration parfois ou le pointage sont souvent anonymes pour ce personnel « de passage ». Ces détails n’en sont pas pour les salariés. Trouver un badge à son nom est un premier pas vers l’acceptation. De plus ce personnel réalise bien souvent les tâches que personne dans l’entreprise ne souhaite effectuer, celle parfois qui requièrent le moins de compétences ou peu gratifiantes. L’absence de reconnaissance initiale prend alors un ton d’humiliation quand les salariés se disputent pour ne pas avoir à « gérer » l’intérimaire ou le stagiaire. Or l’entreprise peut être à l’inverse un merveilleux lieu d’insertion sociale et de reconnaissance par le travail. On peut, par le biais d’un passage même bref au cours d’une mission se trouver séduit par un secteur d’activité, émerveillé par la conscience professionnelle de certains collègues, par la chaleur humaine d’une équipe qui prépare un casier disponible pour que chacun puisse ranger ses affaires dignement, , n’ai pas besoin de réclamer pour obtenir un badge de restauration, une tenue de travail ou des équipements de protection individuels.

Nul besoin d’être encadrant ou prescripteur pour faire un peu de place, offrir un peu de chaleur humaine et de reconnaissance à ces salariés, apprentis, agents d’entretien ou de sécurité et stagiaires. Il est  à la portée de chaque salarié d’avoir un peu le souci de l’autre, a minima de l’appeler par son nom.