Le goût d'agir pour le collectif

Publié le 13/10/2020

Le secteur de la restauration collective déploie son activité aussi bien dans les restaurants d’entreprise, les cantines scolaires, les cliniques, les hôpitaux que dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Rencontre avec Samir Kaboub, salarié chez Elior Enseignement et Santé et délégué syndical national.

Peux-tu nous présenter ton entreprise et nous parler de ton secteur professionnel ? 

Samir KaboubSamir – Elior Enseignement et Santé offre ses services pour les cantines scolaires, les établissements de santé, les Ehpad et les cuisines centrales. Elior Entreprises, comme son nom l’indique, concentre son activité sur les restaurants d’entreprise. Le groupe Elior est leader sur le marché de la restauration collective en France. Il emploie près de 24 500 personnes. J’ai commencé ma carrière chez Elior Enseignement et Santé début 2002 en tant qu’intérimaire dans une clinique psychiatrique.  Je venais d’obtenir mon BEP de cuisinier. En décembre de cette année j’ai été embauché par l’entreprise. J’ai d’abord commencé en tant qu’employé de restauration en attendant qu’une place de cuisinier se libère. Il faut savoir que chaque restaurant a ses spécificités. D’un site à un autre, il peut y avoir entre un à une cinquantaine de salariés comme dans les cuisines centrales par exemple. Il y a aussi le cas où sur un site il y a un responsable salarié d’Elior qui travaille en collaboration avec des salariés du client. Pour ce qui me concerne, j’ai souvent changé d’établissement mais toujours sur des sites de santé car c’est un milieu dans lequel je me sens bien et où je ressens que les contacts que je peux nouer avec les résidents leur est utile. J’ai ainsi travaillé dans le secteur de Lyon dans un hôpital, un centre de rééducation, dans une clinique …

Ces divers changements de lieu de travail correspondaient-ils à ton souhait ?

Samir – Il y a eu des changements de site suite à l’attribution de nouveaux marchés mais il m’est aussi arrivé de demander à changer de site suite à des conflits avec mon responsable. Je ne voulais pas rester dans une ambiance conflictuelle et, heureusement, le nombre de sites de l’entreprise facilite la mobilité des salariés qui le souhaitent.  

Comment est organisé le temps de travail pour les deux services de la journée et les week-ends ?

Samir – L’organisation du temps de travail a évolué. Quand j’ai commencé, il y avait une coupure entre le service du midi et le service du soir. La suppression de ces coupures a été longtemps notre cheval de bataille et nous avons fini par avoir gain de cause en 2017. La plupart des coupures ont été supprimées hormis les week-ends pour garantir les roulements. Les plannings sont faits sur deux semaines mais lorsque c’est possible, ils sont faits sur trois semaines, ce qui permet notamment aux équipes de ne travailler qu’un week-end sur trois et de profiter d’un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

L’organisation du temps travail pour les salariés des cantines scolaires doit être particulière, comment cela se passe-t-il quand les écoles sont fermées ?

Samir – Il s’agit de contrats intermittents. Les salariés ne sont pas payés pendant les vacances scolaires mais heureusement l’entreprise joue le jeu en essayant de les reclasser dans les restaurants de santé, où il n’y a pas d’interruption d’activité. Les salariés qui ont envie de continuer à travailler pendant les temps de pause scolaire ont tout intérêt à le dire très tôt à leur responsable. Les plus anciens ont encore un contrat qui oblige l’entreprise à payer leur salaire, qu’ils soient reclassés ou pas. C’est presqu’aujourd’hui une exception car ce type de contrat ne se fait plus.  

En ce qui concerne la santé au travail, les salariés de ton secteur sont exposés à des risques directement liés à leur métier ou à leur environnement professionnel ?

Il y a bien sûr les risques musculo-squelettiques avec les gestes répétitifs et les ports de charges lourdes. Il y a également les burn-out à cause de la pression. Certains sites tournent en sous-effectifs, ce qui provoque des tensions dans les équipes, un surcroît de travail.

D’employé de restauration, tu as pu évoluer vers le métier de cuisinier qui correspond à ta formation.

Samir – J’ai également évolué vers le poste de second de cuisine. Mais en fait, j’ai vraiment occupé tous les postes, du plongeur jusqu’à responsable de site, responsabilité que l’entreprise m’a confiée au départ du responsable du site auquel j’étais affecté en tant que second de cuisine. Cela devait durer quelques semaines, j’ai finalement assuré la mission pendant dix mois.

Tu t’es engagé dans le syndicalisme en choisissant d’adhérer à la CFDT. Raconte-nous ton parcours de militant.  

Samir – Au début, je ne pensais pas du tout aux syndicats mais dans mon restaurant, j’étais un peu la personne qui n’hésitait pas à dire les choses très ouvertement et sans faire de détours. C’est une déléguée du personnel qui est venue vers moi en me disant que je ferais un très bon délégué du personnel et qu’elle souhaitait me passer le flambeau. Elle m’a présenté les délégués syndicaux de la section qui m’ont expliqué le fonctionnement de la CFDT et ont répondu aux questions que je pouvais me poser. J’avais été aussi abordé par la CGT et la CFTC mais j’ai très rapidement choisi de m’engager avec la CFDT qui correspondait davantage à la conception que je me faisais de l’engagement au service des salariés. J’ai commencé en tant que délégué du personnel dans mon restaurant. J’ai ensuite été désigné délégué syndical en vue de la préparation de la campagne des élections dans l’entreprise. J’ai aussi commencé à accompagner les salariés à l’inspection du travail, pour des entretiens avec la direction ou des démarches pour faire reconnaître des cas de maladie professionnelle. Je suis détaché à 100% depuis 2016 mais quand je fais mes visites de restaurant pour rencontrer les salariés, je n’hésite pas à leur donner un coup de main. Si je discute avec une employée de restauration qui va lever des chaises, je le fais avec elle tout en discutant de ses conditions de travail. On m’a confié le mandat de délégué syndical national et j’ai commencé à négocier des accords d’entreprise. Nous sommes une équipe de négociateurs composée de quatre élus CFDT et c’est une expérience qui est pour moi très enrichissante. J’ai commencé par la négociation sur le télétravail et le droit à la déconnexion et nous avons enchaîné, fin 2018, avec l’accord qui m’a vraiment forgé, l’accord de droit social qui détermine les moyens dont vont disposer les représentants des salariés. La négociation a duré presque un an. On partait d’une feuille blanche et il fallait tout prévoir.

Cette négociation intervenait dans le cadre de la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) qui ont remplacé les missions de DP, du CE et du CHSCT.

Samir – Oui, c’est bien pour cela que les négociations ont été tendues et longues. Nous avons obtenu une augmentation des heures de délégation et nous aurions souhaité avoir davantage de représentants de proximité. Le rythme des négociations a été très soutenu et en même temps, nous devions assurer la campagne pour convaincre les salariés de se présenter sur nos listes et de voter CFDT.  Ce qui n’était pas une mince affaire du fait du grand nombre de restaurants à visiter.

Tu as aussi participé à des négociations en branche. Quel est ton regard sur la qualité du dialogue social dans la restauration collective ?

Samir – Il y a des points de blocage que nous essayons de lever depuis des années comme le passage automatique du niveau 1 au niveau 2 de la grille des classifications. Les salaires de la branche sont très bras et les syndicats patronaux ne concèdent pas grand-chose.  

La CFDT semble avoir été pour toi une belle source d’épanouissement.

Samir – Oui, j’y ai trouvé une forme de reconnaissance et une source d’émancipation que l’on ne trouve pas forcément dans son milieu professionnel. J’ai suivi le cursus de mandatés fédéraux qui donne à tous les militants les outils en main pour être à l’aise et s’épanouir pendant leur mandat. Je peux dire que la qualité de l’accompagnement de la CFDT nous rassure et nous encourage à nous investir davantage.En tant que membre du bureau du syndicat Commerce et Services du Rhône depuis 2018 et membre du bureau fédéral depuis 2019, je sens mon engagement reconnu et utile. Pourtant, j’ai longuement hésité avant de proposer ma candidature au bureau fédéral car je craignais d’arriver dans un cercle où la discussion n’avait pas de place. J’ai découvert tout le contraire ! On s’exprime librement, on est écouté et on a un exécutif réactif.  Je considère que l’écoute, le partage d’expérience et la transmission sont importants aussi bien dans le milieu professionnel que dans le milieu syndical. C’est pourquoi j’ai aussi intégré dernièrement le réseau des animateurs de la fédération des Services. Finalement, la CFDT m’a apporté une source de développement personnel, elle me permet de faire ce que j’aime : aider les gens et me sentir utile.

Propos recueillis par O.S

 

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